Un Français. Le film.

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Ca y est, je l’ai enfin vu.

Hier soir j’ai vu Un Français, le film de Diastème, ce film qui a fait réagir les uns et les autres avant sa sortie. Depuis aujourd’hui, Un Français est en salle, et la bonne nouvelle, c’est que nous allons enfin pouvoir parler non plus du fantasme du film, mais du film tel qu’il est en réalité.

Si l’exercice me semble délicat, si j’ai un peu peur de me lancer, c’est sans doute à cause de la complexité de l’objet. Ce film est complexe, car écrit tout en finesse, en délicatesse. Et plus une œuvre est raffinée, plus elle est élaborée, plus la peur de trahir l’auteur glace le commentateur.

Tellement de choses fausses, maladroites, réductrices ont été dites ou écrites ces derniers jours que j’ai peur, à mon tour, de tomber dans l’écueil de la simplification. Or il me semble que la simplification fait du mal à la création. En simplifiant, on réduit, on ampute, forcément.

Le film que j’ai vu hier soir m’a émue, m’a bousculée, m’a mise mal à l’aise, m’a éblouie aussi. J’en ai pris plein les yeux et plein le cœur. Je l’ai trouvé subtil, tout en retenue, en suggestion, laissant une belle place à l’interprétation.

Pour faire court, c’est un film qui expose une tranche de vie, celle d’un homme dont les certitudes se trouvent ébranlées par des choix, des rencontres, par la vie. C’est l’histoire d’un parcours, particulier et commun à la fois. Tour à tour médusés ou attendris, nous accompagnons pendant trente ans les errances et questionnements du personnage. Alors bien sûr il y a des ellipses, mais elles aussi laissent la place, plutôt intelligemment, à la réflexion du spectateur. Si les critiques que j’ai pu lire sont contrastées, c’est peut-être à cause de cette autonomie laissée au spectateur, chacun étant libre de faire sa propre lecture des événements présentés.

Bien sûr les moments forts de la vie de Marco sont privilégiés, puisqu’il s’agit plus particulièrement de donner à voir des étapes clés, celles qui le font évoluer, grandir, celles pendant lesquelles les lignes se déplacent.

Ce personnage est un équilibriste qui, longtemps sur le fil, finit par choisir de laisser derrière lui son côté sombre pour laisser entrer la lumière et la paix. S’il franchit la frontière, il ne renie ni n’oublie ce qu’il a été. Il y a d’ailleurs chez Marco la volonté ambiguë de conserver les traces du passé, parce qu’il assume ce qu’il a été, parce que ce moment de sa vie fait partie de lui, de son histoire. Indéfectiblement.

Certes le film est violent au début, c’est indéniable. Mais il fallait poser le contexte, montrer les choses froidement, pour que le spectateur dispose des éléments nécessaires à la construction d’un point de vue. Très vite la violence laisse la place à un certain apaisement, à une douceur même ; progressivement l’atmosphère s’éclaircit. Car Diastème est un poète, il sait mettre le doigt sur la profondeur et la beauté des choses laides, tout comme il sait faire surgir les sentiments enfouis de celui qui se cherche.

La force du film est de réussir à dire en montrant, par un regard, une expression, une configuration, une situation. Je crois que l’essentiel passe par l’interstice, par les non-dits, par la suggestion plus que par l’action. C’est cette finesse que j’ai appréciée. Et puis il y a de vrais partis prix de réalisation, une esthétique réussie, des choix de mise en scène percutants, comme la présence de Marco à l’écran. Il remplit l’espace, la surface. Le spectateur se retrouve alors en immersion, sans cesse confronté au corps, ce corps symboliquement signifiant.

Si tous les acteurs sont brillants et incarnent pleinement leurs personnages, la performance d’Alban Lenoir, magistrale, mérite qu’on y arrête plus particulièrement. Cet homme passe de la brutalité à la douceur avec une aisance impressionnante, il interprète la bêtise et la réflexion avec autant de justesse. C’est un acteur tout en mesure, qui se maintient toujours très loin de la caricature. Son physique est malléable, et tel un héros protéiforme, il se plie aux exigences du scénario avec une évidence désarmante. Il fait exister Marco tout simplement.

Hier soir Diastème a introduit son film en disant qu’il en était fier.

Il y a de quoi.

Moi je suis fière de lui, et j’espère ne pas avoir trahi son geste en écrivant ce texte.


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