C’est déjà fini. Mon premier festival d’Avignon…
Douloureux retour à Paris, passage laborieux du soleil à la pluie, de 37 à 17 degrés, sans transition aucune. Partie de là-bas dans une robe trop courte, j’ai fini la journée les jambes trop mouillées pour un mois d’été. Atterrissage brutal, envie de pleurer.
J’ai aimé l’ambiance, j’ai aimé cette ville dédiée tout entière au spectacle vivant, j’ai aimé les spectacles que j’ai vus, certains m’ont bouleversée plus que d’autres. Forcément.
J’ai aimé, et pourtant je reste mitigée. Des sensations ambigües et des impressions contradictoires sur ce fameux festival n’ont cessé de se succéder durant ces quelques jours : étonnant mélange de joie et de tristesse, d’admirable et de pathétique. J’ai croisé des acteurs grossièrement déguisés, maladroitement maquillés, des beaux parleurs de pacotille et autres jongleurs désespérés ; j’ai vu trop d’affiches affreuses, vulgaires, dépourvues d’élégance. Parmi la multitude d’images accrochées dans les rues, seules quelques unes seulement séduisent, attirent, donnent envie. Rares sont celles qui relèvent du Beau. J’avais envie de beauté, et trop souvent la laideur m’a écoeurée.
J’ai aimé cette première soirée, une très belle entrée en matière, attendue et à la hauteur de mes espérances. Evidemment j’ai aimé Fille|Mère, cette superbe pièce écrite et mise en scène par Diastème. C’est au Chêne Noir, allez-y, c’est beau, intelligent, séduisant. C’est drôle et triste à la fois, pimpant et enthousiasmant, c’est émouvant, bouleversant, touchant.
Si le texte en lui-même est très fort, les comédiens le sont tout autant. Andréa Brusque est formidable, incroyable de sincérité dans sa manière de traduire la complexité des relations, plus largement la complexité de la vie qui n’épargne personne.
Et parce que cette histoire parle de la douleur, de la colère, de ceux qui souffrent, elle nous concerne tous. Elle met en lumière une relation mère-fille ambiguë, tiraillée par l’amour, tiraillée par la haine ; une relation qui étouffe, qui oppresse, une configuration familiale qui implique une sorte d’impossibilité de s’exprimer. Jusqu’à ce que…
Il y a aussi cette belle interrogation, centrale, sur le sens du verbe aimer ; un très beau passage qu’il ne faudrait surtout pas oublier. « Manger, boire, dormir, ça c’est facile à expliquer ! Mais “aimer” ? “Aimer le cognac”, d’accord, mais “aimer quelqu’un” ? Ça veut dire quoi “aimer quelqu’un” ? »
Et oui, trois sujets possibles: l’amour, la mort, l’alcool…Forcément.
J’ai aussi beaucoup aimé la pièce de Christophe Honoré, Nouveau roman, un spectacle passionnant, intelligent, documenté. Il s’agit d’une très belle création, riche, intéressante, bien construite. Rien à voir avec ce que j’ai pu lire dans Télérama…. Si j’étais Honoré, j’aurais très envie de l’agresser cette dame qui, soit n’a rien compris, soit fait du mauvais esprit. Je ne suis pas lui et pourtant, je me suis énervée toute seule en lisant ce papier, truffé de reproches injustifiés et tellement loin de ce que moi j’ai vu. J’ai aimé, j’ai été absorbée, et n’ai pas vu passer ces 3h30 de représentations là.
Les 3h30 suivantes, celles consacrées au Maître et la Marguerite ont eu un peu plus de mal à passer : un beau spectacle, sans aucun doute, mais loin d’être exceptionnel contrairement à ce que j’ai pu lire un peu partout. La mise en scène se veut déjantée et excentrique, mais c’est souvent pompeux, quant à l’aspect déjanté, ce n’est finalement qu’une posture.
Et puis Cherkaoui, oui. PUZ/ZLE. Un cadre fantastique, les carrières de Boulbon, un lieu magique, unique. Et puis ces corps qui se meuvent, cette chorégraphie en communion avec le lieu, une vraie parenthèse dédiée à la beauté du mouvement. J’ai aimé le jeu avec la pierre, véritable pièce du puzzle, le côté minéral des décors, sorte de mise en abyme du lieu de l’action. J’ai moins aimé la bande-son, tout particulièrement les polyphonies corses, omniprésentes et presque agaçantes.
A ceux qui sont restés là-bas je souhaite une belle fin de festival, tout spécialement à toi cher ami, que ces deux semaines à venir te soient douces et pleines de succès…
A ceux qui passeront par là-bas les jours prochains je souhaite de belles surprises et des émotions fortes.
Et n’oubliez pas mes recommandations : Fille|Mère, Nouveau roman, Puz/zle.
One Comment on “Mon Avignon”
Je suis allée voir Fille/mère sur vos conseils et je ne partage malheureusement pas votre enthousiasme, malgré de beaux moments, comme la jolie chanson mélancolique entonnée par Andrea Brusque sur
la table, avec l’éclairage qui en fait une jeune mater-dolorosa garçon manqué pleine de grâce… Je n’ai pas adhéré au pathos, que j’ai trouvé franchement lourdingue. Je suis pourtant fan de
Jean-Jacques Vanier, et j’ai trouvé le jeu des acteurs assez raffiné pour cette obligation qu’ils avaient d’être bourrés du début à la fin, ce qui était un défi pour eux.
Sinon, en revanche, je partage votre avis sur le spectacle de Christophe Honoré, qui m’a convaincue, et sur “Le Maître et Marguerite” qui m’a laissée assez froide… Mais j’essaierai de connaître
autre chose de Diastème avant de le juger trop définitivement…