Les Papas et les mamans

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A chaque fois que je suis dans le train me vient l’envie subite d’écrire un billet. C’est systématique, regarder la campagne défiler par la fenêtre me donne envie d’écrire.

Ce qui est ennuyeux, c’est que je n’ai pas forcément quelque chose de précis à dire, à ce moment-là j’entends.

Certes les digressions alimentent régulièrement ces pages, mais pour amorcer un billet, même à faible contenu informatif, il me faut quand même un petit point de départ, un petit sujet qui lance la machine, même si c’est pour m’en éloigner par la suite.

Aujourd’hui par exemple, j’ai passé une bonne journée, je rentre chez moi, et je ne sais pas bien quoi vous dire. Il y a pourtant plein de choses dont j’aimerais parler, plein de remarques que j’aimerais pouvoir faire, mais malheureusement je crains que ce ne soit tout simplement pas le lieu pour se livrer sans filet. Des sujets sensibles, trop personnels, qui pourraient mettre les protagonistes mal à l’aise, qui pourraient me mettre dans un embarras certain si les intéressés se reconnaissaient.

Car tout le problème du blog est bien là : c’est un grand écart permanent entre ce qu’on a envie de dire et ce qu’on peut dire. Il s’agit de jouer avec les limites, de les repousser, tout en sachant où s’arrêter. Il se trouve que je suis souple, heureusement, que je peux tenir le grand écart longtemps, sans trop souffrir. Mais que ce n’est pas forcément le cas de mes lecteurs. Principe de précaution donc.

Voilà aussi pourquoi je me laisse la possibilité d’inventer, parfois. Par obligation. Pour la beauté du geste.

Aujourd’hui, après cette introduction laborieuse, j’ai finalement décidé de vous parler d’un spectacle que j’ai moyennement aimé. Non, pas exactement. Disons plutôt “d’un spectacle que j’ai adoré par certains côtés mais qui m’a aussi malheureusement déçue par d’autres”.

Aujourd’hui, le point sur Les Papas et les mamans au théâtre des Déchargeurs donc.

Les Papas et les mamans, c’est une pièce adaptée du premier roman de Diastème par Hervé Arnaud et mise en scène par Samuel Tudela.

Obligée d’aller voir cette adaptation du roman de Diastème. Forcément.

(Encore lui, dites-vous tellement bruyamment que je vous entends d’ici. Et oui, que voulez-vous, ce n’est pas de ma faute s’il est productif, ni si d’autres trouvent le moyen de monter des pièces à partir de son travail. Et ça ne va pas s’arrêter de sitôt, croyez-moi. Le 1er mars débute une série de représentations de 107 ans, au théâtre Montmartre Galabru cette fois. A suivre.)

Comme vous l’avez sans doute compris, le bilan est mitigé. Attention, positif dans l’ensemble hein, ne vous y trompez pas, mais quand même.

Pour commencer c’est très bizarre de voir et d’entendre un texte et de découvrir qu’on se rappelle en fait très précisément de ce roman lu il y a bien longtemps.

Oui, je me rappelais de ces personnages, je me rappelais de ces situations, je me souvenais de chaque chute. Cécile, Stéphanie, Igor, Vic, M. Bourry, le pote qui part à l’étranger et qui tue son père en revenant (ou presque), la pluie qui tombe sur un père qui prend l’air (ou presque), la mère de famille catho et pochetrone (complètement).

Pire, je me suis rendue compte qu’il m’arrivait régulièrement de repenser à certaines scènes comme si elles avaient existé. Par exemple, cette histoire du type qui pisse par la fenêtre sur le père de sa copine, il me semblait que c’était quelqu’un qui me l’avait racontée. Il m’est aussi arrivé de repenser à cet homme mort encastré dans un camion ainsi qu’à cette histoire de chat et de moquette en passant boulevard Bineau.

Cette pièce a donc fait remonter tout cela à la surface et c’était déroutant de voir à quel point un roman peut se mêler à la vraie vie.

Bref, le texte était là, il n’avait pas bougé, souvent lumineux, toujours émouvant, des figures, un ton et un rythme propices à être transposés sur scène, effectivement.

Pas de remarques particulières sur la mise en scène, rien d’exceptionnel, pas de trouvailles lumineuses, mais une mise en scène discrète, réussissant à nous faire passer d’un tableau à un autre avec une certaine élégance malgré un décor un peu chargé. Peut-être que tout cela aurait gagné à être plus épuré, plus suggestif, plus esthétique aussi.

Mais je crois que c’est finalement le jeu de l’acteur qui m’a le plus déstabilisée.

Trop de scènes m’ont paru surjouées, excessives, et ces excès interprétatifs m’ont semblé affaiblir la subtilité du texte d’origine. Plusieurs moments, pourtant drôles, frôlaient la caricature : c’est dommage parce qu’en lisant le roman, c’est la justesse qui interpelle, et non l’épaisseur du trait.

Au final ces excès positionnent la pièce dans un registre où jamais Diastème ne fait l’erreur de s’aventurer : démesure, manque de finesse heurtent parfois.

J’ai bien notion qu’il est tout à fait probable que le malaise vienne de moi, que c’est moi qui m’attendais à voir un spectacle plus fidèle à l’auteur, qui m’attendais inconsciemment à retrouver son ton, sa patte.

Le metteur en scène et l’acteur se sont sans aucun doute pleinement appropriés le travail de Diastème, j’imagine que c’est le but quand on s’attaque à une adaptation, mais il me semble que rester au plus près de l’état d’esprit de l’auteur aurait été bénéfique au spectacle.

En lisant ce roman, c’est bien Diastème qui apparaît en filigrane, or là, à travers cette interprétation d’Hervé Arnaud, je ne l’ai pas retrouvé. Ou pas suffisamment. Ou je n’y ai pas cru.

C’est d’autant plus net qu’on ne peut s’empêcher de comparer la prestation de l’acteur à celle de Julien Honoré dans Une Scène, formidable Julien Honoré qui, sans pour autant mettre de côté sa propre personnalité, réussit la performance de ne pas effacer l’auteur mais plutôt de lui donner vie.

Ce qui n’était pas le cas l’autre soir. C’était autre chose.

Cela dit, allez-y, ça reste un beau texte, et donc un beau moment. Allez-y aussi pour vous faire votre propre opinion et pour me dire ensuite ce que vous en pensez, ça m’intéresse !

Que vous dire d’autre ? Que sur la pancarte de l’autoroute que la voie ferrée vient de dépasser il est écrit que je suis à 179 kilomètres de Paris, que j’y serai dans une heure exactement, que j’écoute Lykke Li, Wounded Rhymes, et que j’aime vraiment beaucoup cet album, que dès que j’aurai fini d’écrire ce billet je commencerai la lecture du dernière Lodge, enfin, que le soleil se couche sur l’horizon, que c’est très cliché mais que c’est vraiment très beau, et que toutes ces raisons, ces moments de grâce, font que j’aime le train. Surtout celui du retour.

Ne jamais emporter de travail dans le train, jamais. Une règle que je me suis fixée, et à laquelle j’espère ne jamais devoir déroger. S’y tenir.


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