Le Comédien

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Il y a quelques jours j’ai vu un très beau film, un film que j’ai failli ne jamais voir. Le Comédien aurait pu rester pour moi aussi inconnu que Maruschka Detmers par exemple. La bonne nouvelle, c’est que maintenant, quand on me parlera du Comédien, j’aurai l’air moins con que tout à l’heure quand on m’a parlé de cette fameuse Maruschka que je ne connaissais pas. Honte. Cela dit mon Diastème, je t’avoue humblement que même après avoir contemplé une à une les nombreuses photos de la dite Maruschka sur Google Images, son visage, jeune ou moins jeune, ne me dit désespérément rien…Honte. Oui. Mais passons.

 

Par un curieux concours de circonstances, vendredi soir je suis allée voir Le Comédien de Sacha Guitry à la Filmothèque du quartier latin. Je n’entrerai pas ici dans les détails qui m’ont amenée à aller voir ce film, mais pour plusieurs raisons, j’ai longtemps hésité à y aller. A ces quelques raisons plus ou moins fondées s’ajoutait la simple flemme ; la flemme de remonter sur mon scooter par ce froid pour un film que je ne connaissais pas. Les utilisateurs de scooter me comprendront, les cinéphiles sans doute moins, mais après être trop souvent passée du mode congélation au mode décongélation dans une même journée, je vous jure qu’il faut se faire violence pour trouver le courage de remettre ça à 21h.

La curiosité a finalement pris le dessus, je me suis dit que s’il avait choisi ce film, c’est qu’il devait  y avoir une excellente raison à cela, que le film serait beau, assurément. C’est donc guidée par une sorte de confiance aveugle un peu imbécile que je suis ressortie de chez moi.

Pour plusieurs autres raisons que je tairai aussi, une sombre histoire de situations, de configurations, d’enjeux, de conséquences, je continue à me demander si j’ai bien fait d’y aller, mais une chose est certaine, j’ai découvert un film qui m’a beaucoup touchée. Et j’ai très bien supporté le froid.

Une très bonne idée ce cycle Littérature et Cinéma, le principe est simple, un écrivain vient présenter le film de son choix. Vnedredi soir c’est à Eric Reinhardt qu’on avait demandé de choisir un film. Et c’est Le Comédien qu’il avait choisi.

 

Je ne regarde pas beaucoup de vieux films mais c’est un tort car ils peuvent être incroyablement contemporains. Les thématiques et questions abordées dans ce film sont effectivement intemporelles : il y est question du théâtre bien sûr, mais plus largement du rapport à l’art et à la création, de transmission, de séduction beaucoup, d’amour parfois, le tout dans le cadre enchanteur du quartier du Palais Royal.

Alors quand on a lu Eric Reinhardt ou qu’on le connaît un peu, on comprend très vite pourquoi ce film lui plaît et le charme. Mais malgré l’évidence, j’ai aimé écouter Eric parler de ce film, apporter des réponses, expliquer plus précisément ce qu’il aimait dans ces personnages, dans la voix lancinante, envoutante et omniprésente de Sacha Guitry.

 

Il a rappelé son amour du théâtre aussi, du théâtre comme art, du théâtre comme lieu, des coulisses, de ce qui s’y joue, sur scène, mais aussi hors de la scène. Et tout à coup j’ai repensé à la première fois que je suis entrée dans un théâtre, c’était par l’entrée des artistes, j’étais enfant et chaque année, mon école de danse se produisait dans le théâtre de ma ville. « Le spectacle de danse » était quelque chose que nous préparions longtemps, que nous attendions impatiemment. Et puis le faux grand jour arrivait, celui de la répétition générale en costumes, au théâtre donc. J’aimais les loges, les costumes, les chignons, les nuages de laque et de poudre, les bouches et les pommettes rouges, tout ce maquillage auquel nous avions exceptionnellement accès, le trac, et puis la scène. Le lendemain, le jour du vrai spectacle, c’était la même chose en encore plus fort, toutes impressionnées que nous étions par le public, par tous ces gens assis juste là dans la salle. Ils nous tétanisaient.

Un peu avant le début du spectacle, pour nous faire encore plus peur car finalement nous aimions cela, nous regardions la salle se remplir progressivement en écartant délicatement les gros rideaux de velours rouges. Il y avait aussi le plaisir d’errer quasi librement dans tous ces endroits normalement inaccessibles, les coulisses bien sûr mais aussi les dédales de couloirs et d’escaliers qui menaient à la salle, aux balcons, aux baignoires et autres corbeilles, ainsi qu’au poulailler : c’est au poulailler que nous devions monter pour regarder danser les autres avant et après notre prestation, c’est depuis le poulailler que nous admirions les plus aguerries. Je me souviens encore du nom de la soliste, la seule digne d’enfiler un vrai tutu. Elle s’appelait Sophie Larnicol et elle dansait Giselle. Moi qui n’ait aucune mémoire, en particulier concernant mon enfance, je me rends compte en écrivant ce billet que je me souviens de chaque détail, que je revois des visages, des costumes, et ce lieu comme si c’était hier. C’était il y a 25 ans.

 

Et puis l’autre soir en écoutant Eric, j’ai pensé à Avignon aussi, et au Bruit des gens autour, forcément. A ce très beau film sur le théâtre, sur les gens qui font et sont le théâtre, sur ceux qui le regardent, sur la confusion entre le jeu et la réalité, et sur tout ce petit monde qui se croise, bruyamment. Comme en coulisse.

 


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