La Voix d’Amara

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J’ai lu La Voix d’Amara, de Joëlle Le Marec et Amara Camara, et je voudrais que vous fassiez comme moi, que vous achetiez ce livre et preniez le temps de le lire. C’est important.

Ce texte, c’est un témoignage à double entrée : un fragment de l’histoire de Joëlle, une femme qui a accueilli chez elle un jeune migrant prénommé Amara, un fragment de l’histoire d’Amara qui a vécu chez Joëlle et qui a, durant 9 mois, partagé son quotidien.

Amara a traversé les mers, enduré des épreuves.

« J’ai vu beaucoup de choses et j’ai entendu beaucoup de choses qu’un enfant ne doit pas voir ni entendre. »

Guidé par l’espoir d’un avenir meilleur, il a quitté sa famille : il voulait aller à l’école, s’instruire, recevoir des outils pour se construire et réfléchir.

Ce journal à deux voix est le fruit d’une rencontre forte et enrichissante, aussi bien pour celui qui est accueilli que pour celle qui accueille. Le récit de Joëlle, qui témoigne jour après jour de sa vie aux côtés d’Amara, est entrecoupé de textes écrits par l’adolescent. D’emblée on est frappé de voir à quel point Amara utilise tout de suite la langue avec beaucoup de poésie, tout de suite il saisit la force des mots, l’efficacité qu’ils peuvent avoir s’ils sont bien choisis.

« Fils de misère je ne voulais pas être et j’ai été quand même. »

Ce sont les premiers mots du tout premier texte écrit par Amara. Ils seront nombreux les textes à venir, toujours plus élaborés, toujours plus précis. On lui donne des outils, il s’en empare et se raconte, mais avec une grande pudeur, toujours en creux.

« Je m’appelle Amara, je suis ivoirien.
Mon rêve c’était de venir à Paris pour étudier,
Mais je ne savais pas ce qui m’attendait.
 »

Plus on avance, plus la parole se libère, plus Amara sort de l’ombre, allant même jusqu’à entrer en scène, lors d’un tournoi de slam au cours duquel il dit deux fables « L’éléphant qui voulait connaître le monde » et « La star qui aurait voulu être de l’eau » .

Amara se livre par l’écriture et produit des textes bouleversants, épurés, économes et pourtant si justes. Et quand Joëlle est émue, à la lecture de chaque nouveau texte imagine-t-on aisément, elle  le formule toujours avec réserve et pudeur, l’objectif de son texte n’étant jamais de faire larmoyer, mais plutôt de montrer la beauté des choses, de montrer l’équilibre de l’échange, de valoriser combien elle sort grandie elle aussi de cette rencontre.

« Je le regarde. Je repense à ces contes dans lesquels seul un cœur pur peut donner sens à un geste : Amara donne sens à l’écriture. »

Et puis il y a ces petits moments privilégiés, ces gestes du quotidien, comme ces places achetées pour le concert d’Oumou Sangaré : « Tard dans la nuit je l’entends rentrer, les clés, la porte, un silence…puis un signal de la messagerie quelques minutes après sur mon téléphone : « c’était la plus belle soirée de ma vie. » Le lendemain Amara écrira un texte pour Joëlle, dans lequel il lui raconte ce « rêve d’enfance qui s’est réalisé ».

Il y a tellement des belles choses dans ce livre, tellement de beauté dans les textes d’Amara, comme dans ces « Je me souviens », issus d’un atelier de conversation qu’il suit à la bibliothèque municipale :

« Je me souviens de ma mère et de mon père […]
Je me souviens de la guerre dans mon pays […]
Je me souviens du soir où j’ai rencontré Joëlle […]
Je me souviendrai de tous les visages que j’ai croisé sur mon chemin[…]
 »

Le talent de Joëlle réside aussi dans la prise de recul qu’elle réussit à faire émerger de cette rencontre : l’analyse est fine, profonde, et l’auteur saisit l’occasion pour proposer une réflexion pertinente sur la question de l’accueil des migrants isolés.

Les sentiments qui sous-tendent les mots de Joëlle et d’Amara sont si forts, leurs discussions sont si riches, et les regards qu’ils portent sur le monde sont si intelligents que c’est un livre à lire, mais aussi un livre à offrir, à faire découvrir. Je connais un peu Joëlle, son intelligence m’impressionne, sa sensibilité et sa générosité me touchent, et dans ce récit, je la reconnais pleinement.

La voix d’Amara


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