« La liseuse sera sans doute « le » cadeau électronique des fêtes de fin d’années. »
J’ai lu ça dans Le Monde l’autre matin, dans le supplément Culture & idées, ils en ont fait un dossier. Un air de déjà-vu, rien de bien nouveau dans l’article, mais un choix éditorial un tout petit peu plus intéressant que la double page sur « les chats qui rient sur Internet » que j’ai eu la surprise de trouver dans Libé il y a quelques temps. Cet article là m’a scotchée ; j’étais désarmée devant tant de vacuité, j’ai pensé à quelqu’un en particulier, quelqu’un qui a une très haute opinion de son métier qu’il juge de la plus haute importance. Souvent il n’a pas tort, mais là, quand même… Du Journalisme on appelle ça, avec un J majuscule tant qu’à faire. Mais j’y reviendrai. Je vous parlerai peut-être aussi de Double Rainbow, un truc fou qu’on m’a montré hier et qui fait peur. Et qui n’a rien à voir avec le sujet du jour. Quoi que. Regarder Double Rainbow sur une tablette doit renouveler l’expérience.
Donc lire sur une liseuse, lire sur une tablette, j’étais contre. Dans l’idée je le suis toujours mais mon avis n’est plus aussi tranché, il a évolué, s’est décalé. Non je n’abandonnerai pas le papier, j’ai un ami libraire, ne l’oublions pas. Mais je finirai sans doute par adapter le support au contenu : à la littérature je continuerai d’associer les belles éditions, les jolies couvertures, le beau papier, les étagères ; aux ouvrages scientifiques, à la presse, je réserverai le numérique.
Ce n’est pas l’article du Monde qui m’a fait revoir ma copie, bien sûr que non. Ce n’est pas non plus la lecture du livre de François Bon, Après le livre, pas lu. C’est le temps ; un moment que le principe et les objets m’intriguent. Je tourne autour, j’observe avec curiosité les gens « qui le font », ceux « qui en ont ». Je pèse le pour, le contre, soulève les limites, mais aussi les avantages. Il se trouve aussi qu’un ami m’a récemment envoyé un document PDF de plus de 300 pages. Face à ces pages à lire sur mon ordinateur j’ai eu l’impression qu’il me manquait un outil, quelque chose de totalement superflu mais de plus confortable, qui me permettrait de lire avec plaisir ce long document sans l’imprimer.
Et puis trop régulièrement je me sens submergée par le papier, par les journaux, revues et autres magazines qui s’accumulent sur ma table de salon, par les articles en tous genres qui recouvrent ma table de travail, et je me dis que si j’avais un support pour lire la presse en ligne, ce serait vraiment plus pratique. Après tout, pourquoi pas ?
Pour la littérature c’est tout autre chose. Pas envie de lire des romans là-dessus, pas envie de ne plus tenir de livre entre les mains, de ne plus être charmée par la beauté d’une couverture, par un travail éditorial en particulier. Et puis le livre électronique lisse l’étagère, la dématérialisation uniformise ; dans la librairie virtuelle, tous les livres se ressemblent, ils font tous la même taille. Une fois les aspérités extérieures au texte gommées, seule une succession de mot subsiste, tandis que la mise en page, elle, devient mouvante. C’est pratique mais c’est autre chose, le livre dématérialisé n’est plus le livre. Il ne reste que le texte qui devient alors malléable ; les possibilités d’appropriation du texte sont innombrables. Vous êtes myope ? Vous pouvez grossir les caractères. Vous préférez Cambria ? Un clic et le mal est fait. L’interligne ne vous satisfait pas ? Là encore vous pouvez agir. Mais que devient le travail sur la mise en page? Que devient la singularité et l’apport d’une maison d’édition dans un paysage où tout se vaut du moins en apparence ?
J’ai entendu pas mal de point de vue sur le sujet, la querelle des Anciens et des Modernes refait surface. Les auteurs semblent peu concernés, les éditeurs ne se mouillent pas trop, ils suivent le mouvement. S’adapter reste sans doute ce qu’ils ont de mieux à faire. Quant aux libraires, les avis semblent mitigés : certains ont peur, d’autres, les plus sceptiques, n’y croient pas, d’autres sont réservés, d’autres encore refusent de regarder le monde changer. Ils regardent ailleurs. Ils n’ont peut-être pas tort, les mutations sont lentes. Pas de raison de s’affoler. Pas encore.