La Chambre des époux

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J’ai lu La Chambre des époux d’Eric Reinhardt, un livre que j’ai trouvé magnifique, bouleversant, traversé tout à la fois par la violence de la douleur, la force de l’amour, et la beauté de l’art – j’aurais tout autant pu évoquer la beauté de la douleur, la violence de l’amour, et la force de l’art…

Le texte est fort, brut, transparent, cru parfois. Véritable objet littéraire protéiforme, la construction du récit est originale et les choix narratifs pleins de surprises ; il s’agit bien d’un roman puzzle pour reprendre la thématique des Assises du Roman dont il est question dans le livre. Grâce à cette espèce de mise en abyme multiple et complexe, l’auteur réussit à mettre à distance une histoire personnelle pour en faire quelque chose d’universelle.

J’ai bien sûr été touchée par la force de la relation d’un homme avec celle qu’il aime, accompagnée dans l’épreuve de la maladie, par la fragilité racontée et assumée, celle qui fait suite à une force incroyable durant le combat. J’ai été sensible au dévoilement d’un homme qui doute, qui cherche comment s’en sortir, qui garde la tête haute pour finalement s’écrouler et pleurer. Les pleurs ont pour effet de ramener le narrateur, personnage hors du commun s’il en est, dans la sphère de la normalité : dans un tel contexte qui serait capable de retenir ses larmes ? La porte de sortie est bien trouvée : après avoir assisté, impuissant, au spectacle d’un homme effondré, le lecteur va soudain trouver de quoi s’amuser.

Car oui, en lisant La Chambre des époux, j’ai aussi ri. J’en ai d’ailleurs eu presque honte, je lisais une histoire dramatique et je riais. J’imaginais Eric Reinhardt sur la scène de la Villa Gillet, scruté par un public invisible, rassemblant ses forces pour conserver sa dignité, je le voyais en train d’observer son voisin, cet écrivain écossais en « bas de survêtement en satin noir porté avec des mocassins en cuir marron » : toutes les pages racontant son passage aux Assises internationales du roman en 2008 sont pleines d’humour. Car Eric Reinhardt a aussi le sens de la dérision, et c’est bon de le découvrir ainsi, lui dont la timidité et la sensibilité se traduisent parfois par un air éthéré, par une posture composée. Le décalage régulier, le dévoilement total accompli avec générosité, l’absence apparente de filtre font de ce texte un roman qui repousse les limites d’un auteur exalté par la beauté, quelle qu’en soit la forme.

C’est un texte riche, poétique, engagé dans sa démarche artistique, sans limite, qui entremêle judicieusement l’énergie insufflée par la création, l’énergie suscitée pour vaincre la mort, et celle engendrée par la puissance du sentiment amoureux. Ce texte hybride propose également une réflexion sur ce qu’est vivre, sur ce qui maintient en vie, sur ce qu’est écrire aussi, puisque mettant en scène l’élaboration de l’histoire d’un roman qu’il aurait pu écrire, Reinhardt nous donne accès à une partie du processus de création. Le lecteur peut ainsi prendre conscience des étapes de l’écriture romanesque, prendre connaissance des aller-retours entre la réalité et la fiction qui nourrissent la trame d’un roman, et qui fait que si tout n’est pas inventé, rien n’est la réalité.

 

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