Le temps se volatilise, les semaines s’autodétruisent, les jours éclatent et les heures implosent. La brutalité du manque de temps, la violence des frustrations engendrées par toutes ces possibilités délaissées ou à peine honorées, trop vite, en coup de vent, m’agressent.
Alors que j’aimerais tant profiter de la douceur de l’automne, mes journées se terminent trop vite, les coupes sont abruptes, le montage est chaotique ; de lundi j’ai l’impression qu’on passe directement à dimanche.
Je n’ai pas le temps, pas suffisamment de temps pour faire tout ce que je voudrais faire. Faire des choix, sans cesse. Je déteste choisir, c’est un des drames de ma vie, ou presque.
Pour pouvoir écrire ce billet par exemple, j’ai du choisir, j’ai été contrainte d’enfouir profond des choses importantes, de laisser de côté certaines envies pour en assouvir juste une seule. J’aurais pu finir de lire ce roman entamé il y a quelques jours déjà, j’aurais pu regarder ce film que j’avais tant envie de revoir, j’aurais pu répondre à quelques uns de ces mails qui s’accumulent dans ma boîte, j’aurais pu travailler aussi. Epuisée j’aurais pu m’assoupir, ou regarder le paysage défiler en écoutant de la musique. Mais là encore il aurait fallu choisir : quel artiste, quel album auraient été les plus en accord avec mon humeur, les plus à même de s’ajuster à mon état d’esprit du moment ?
Choisir, évincer, reporter, procrastiner, constamment.
Eternelle insatisfaite, je souffre de devoir choisir, je regrette de sélectionner, d’exclure, d’oublier, j’enrage de devoir arbitrer entre mes envies, d’avoir des priorités qui peuvent paraître décalées.
Parfois je papillonne. J’hésite, je débute, je change d’avis, je recommence, je termine, mais jamais ne m’arrête. Pas de temps à perdre, courir après des moments de grâce, profiter de bulles de légèreté avant qu’elles n’éclatent et que la liste des choses à faire ne me rattrape à nouveau.
Ce soir j’ai décidé d’écrire ce billet, il fallait que j’alimente ce blog, c’était une urgence, un incontournable. Drôle de priorité me direz-vous ? Cela dépend du point de vue, cela dépend des gens aussi. A l’instant où j’ai débuté ce billet, il me semblait, à moi, Rose, fondamental de nourrir ce blog qui criait famine comme si souvent. Comme si souvent l’éternelle question, récurrente, angoissante, voire oppressante, me coupait dans mon élan : un billet sur quoi ?
Au départ je voulais vous parler des statistiques, de ces infos que j’ai vous concernant, chers lecteurs. Car je dois vous avouer que je me suis prise au jeu et que j’accorde de plus en plus d’attention à cet onglet « statistiques » proposé par la plateforme de ce blog. Chaque matin, ou presque, je regarde combien vous êtes à être passés par là, j’étudie méticuleusement vos provenances. J’aime voir les courbes monter, j’aime vous savoir toujours plus nombreux, j’aime voir vos commentaires apparaître.
Si écrire est plaisant, le plaisir d’être lue l’est tout autant.
Je voulais donc vous parler statistiques, puis finalement, j’ai eu très envie de vous parler du week-end dernier, un bien joli fragment d’automne, parenthèse heureuse dans la course effrénée qui a débuté à la fin de l’été.
Le raconter comme pour en prolonger encore un peu l’effet, comme pour l’empêcher de disparaître et de s’enfuir, comme pour lui permettre de vivre un dernier instant. Ce week-end, touriste dans ma propre ville, j’ai profité de deux belles journées offertes par ce généreux mois d’octobre, deux journées d’automne, presque trop chaudes, si bien que certains aurait pu se méprendre et croire à des journées d’été. Presque l’été donc, mais plus vraiment. Il y avait du soleil, beaucoup de soleil, il faisait très chaud, la lumière était belle, les gens étaient heureux, et la ville, ma ville, rayonnait sous une lumière bien particulière, cette fameuse lumière d’automne, plus douce, moins directe, diffuse.
Ce week-end, j’ai enchaîné les terrasses, décliné les orientations du plein soleil à l’ombre, analysé les cartes des boissons, bavardé avec mes amis. Un carpaccio de bœuf aux légumes grillés à la première terrasse, un Coca-Cola à la suivante, un Coca-Cola à la troisième, un verre de Brouilly à la quatrième, un mojito à la cinquième, un poisson parfumé aux épices à la sixième, un café et six additions plus tard, voilà que le samedi était déjà fini.
Et puis c’était dimanche, le soleil brillait toujours, et quelques terrasses plus tard, voilà que le week-end était déjà fini.