Daffodil Silver

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Je referme Daffodil SIlver. Un drôle de titre pour une triste histoire.

Je viens de finir ce livre à l’instant et je dois vous en parler, je dois vous donner envie de l’aimer.

Daffodil Silver c’est

– une histoire sur le deuil, bien sûr, tenant la mort pour héroïne, malgré les belles promesses de l’enfance

Jamais jamais séparées.

– une histoire sur l’amitié aussi, sur ces liens complexes et fragiles qui nous unissent aux uns et aus autres

Ils ont peu nombreux les gens comme toi, que l’on aime ainsi, sans retour.

Non, ils sont peu nombreux, et aussi exceptionnels soient-ils, ils font souffrir quand ils restent trop longtemps silencieux. Leur absence pèse, c’est un fait.

– une mise en scène du secret, le secret de famille, celui qu’on cache, qu’on devine, qu’on aimerait pouvoir élucider, de ces questions qu’on aimerait pouvoir poser à des protagonistes qui ne sont plus là, qui sont partis comme on dit, qui sont morts en fait.

Et puis il y a le secret, cette chose qui n’existait pas avant la mort de Rosa et qui depuis qu’elle n’est plus là occupe tout l’espace.

– une histoire qui repose sur le poids de la famille,  les valises des uns et des autres, le tissu complexe dans lequel s’inscrit notre propre existence. On n’est pas tout seul, jamais, on ne vient pas de nulle part, et on doit vivre avec, coûte que coûte.

Nous sommes cette famille qui pèse si lourd à mes épaules que je me courbe malgré moi, les yeux rivés au sol, comme une petite dame vieillie trop vite. Non que je cherche à m’échapper ni que la honte m’alourdisse. C’est juste un chagrin épais.

–  un livre sur le souvenir, ce souvenir qu’on a des absents, des morts, si précieux, et qui tend à disparaître.

– un livre qui pose de belles questions, qui laisse en suspens des interrogations, un livre qui fait réfléchir. Comment faire exister l’absence ? Comment lutter contre l’oubli ? Qu’est ce qu’un souvenir? A qui appartient-il ? Qui est en responsable ? La littérature, le cinéma, les photos, les tableaux, sont-ils de bons garants du souvenir ? Luttent-ils réellement contre l’oubli, freinent-ils la disparition ?

 

En y réfléchissant, il me semble que le souvenir d’une personne s’efface à partir du moment où les derniers vivants qui l’ont fréquentée, l’ont touchée, l’ont embrassée, disparaissent à leur tour. Nous pouvons raconter quelqu’un, essayer de transmettre un souvenir, mais il ne s’agira que d’images, de mots livrés à l’interprétation, non plus de sensations perçues. Par exemple je crois que le souvenir de ma grand-mère disparaîtra avec moi, que mon petit garçon qui ne l’a pas connu l’oubliera, contrairement à moi qui continue de la faire exister rien qu’en y pensant, en m’en souvenant.

Ce roman est un espace imaginaire qui prend vie, qui existe devant nous, qu’on traverse, vraiment. J’ai passé des heures avec Rosa, Lilas, et les autres, j’ai pensé à eux souvent. Je les ai imaginés, ils m’ont fait réfléchir, j’étais imprégnée par leurs vies, immergée dans leur malheur, comme étouffée par l’épaisseur du fardeau. Ils m’ont aussi transmis leur énergie, leur désir d’avancer, de laisser les morts vivre leurs vies sans pour autant les oublier.

 

Si Daffodil Silver repose sur une histoire personnelle, ce point de départ tragique est élégamment revisitée à l’aide d’une trame romanesque élaborée, d’une réelle densité. Quant à l’écriture, elle se met en place progressivement,  elle sautille, puis s’arrête net pour mieux repartir soudain. Le tempo est vif, subtil, poétique, le style est intelligent, touchant, mais jamais larmoyant.

 

Daffodil Silver est le 3ème roman d’Isabelle Monnin, le premier que je lis. Depuis la publication des Vies extraordinaires d’Eugène, j’ai envie de lire ce livre là tout particulièrement. Il se trouve que j’étais enceinte, sans doute un peu stressée malgré la légèreté du moment,  et je n’ai pas eu le courage d’affronter cette histoire, qui s’annonçait bien triste elle aussi.  C’est étrange car bien qu’à nouveau enceinte, je crois que je vais pourtant me lancer, le lire enfin.

On n’a qu’une vie, il faut la vivre.


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